Mais entendez sa parole et méditez son acte de foi : voici d'une certaine manière qu'il se tourne vers Jésus, vers cet homme dont il avait sans doute entendu parler comme étant l'ami des pécheurs. Et voici qu'il lui parle, à ce Jésus qui n'était pas de son milieu, qui n'était pas « du milieu », mais qui partageait avec lui - disons avec un brin d'humour - sa condition de « vie » de condamné à « mort » qu'on est en train d'exécuter ! À ce juste qui «  s'est mis au rang des malfaiteurs », notre homme ne dit pas « Maître ! » ou « Seigneur ! » comme la plupart des gens, les apôtres y compris, mais il l'appelle par son nom « Jésus ! » : « Souviens-toi de moi quand tu viendras comme roi ! »

Entendez-vous cet acte de foi ? Pas une foi complète peut-être, mais la foi nécessaire et suffisante pour qu'il soit canonisé pour l'éternité. Même si, de nos jours, on n'a pas eu l'audace, ou si peu, de mettre sa statue sur le mur de nos églises ! Cet homme, ce malfaiteur, n'est-il pas le seul, depuis 20 siècles et dans toute l'Histoire de l'Église, qui ait reçu de la part de Dieu lui-même, en direct en quelque sorte, l'assurance formelle et explicite d'être un saint pour l'éternité ? « En vérité, en vérité, je te le dis : aujourd'hui même », lui répond Jésus, « tu seras avec moi dans le Paradis ! »

Regardez la foi de ce « saint » criminel, de ce bandit sanctifié : une minute de vérité sur soi-même pour se reconnaitre pécheur, puis ce mouvement d'abandon dans la confiance : « Jésus, souviens-toi de moi ! Je me remets entre tes mains. »

Il a une minute d'avance sur son voisin crucifié qui, dans quelques instants, va dire la même chose à Dieu son Père. Et voilà que ce Roi Jésus qui est entré à Jérusalem monté sur un âne, va entrer au ciel pour « s'asseoir à la droite de Dieu » avec gloire et majesté, flanqué lui-même à sa droite, de son ami le truand à qui il vient d'ouvrir la porte ! Comble de l'ironie ! Décidément, Dieu n'entre pas dans nos idées de bien-pensants.

Mais il faut aller plus loin. Au fond, qu'est-ce qu'il a cru, cet homme ? Il n'a pas cru qu'il y a trois personnes en Dieu ou sept sacrements, ou qu'il y a des péchés véniels et des péchés mortels, ou que le Pape est infaillible. Et il était pour la peine de mort, du moins en ce qui le concerne : c'est lui qui le dit ! Mais s'il pensait qu'il avait bien mérité de mourir comme ça, il a cru qu'il n'était pas possible qu'il en soit de même pour Jésus. Pas possible que ce Jésus qui avait fait preuve de tant d'amour dans toute sa vie, soit anéanti par la mort, parce que c'est un amour qui faisait vivre ! Il ne pouvait donc à ses yeux, que « sur-vivre » au-delà même de la mort et du temps, et transfigurer toute chose ! N'est-il pas normal alors, que sa parole même qui le sort de l'enfer du désespoir et du repli sur soi, l'introduise aussitôt dans ce monde nouveau que Jésus appelle « le Royaume ? »

Cet homme, en croyant à la victoire de l'amour alors que les apparences sont contraires, annonce dans les ténèbres de ce Vendredi-Saint, l'avenir du Règne Dieu et le matin de Pâques !

Et pourtant, notre malfaiteur au Calvaire, n'avait pas rencontré Jésus, comme disait l'autre, « en costume de Dieu » ! Il n'avait pas été voir le Christ-Roi à Sainte-Pazanne, ni appris comme moi, dans son enfance, à chanter « Parle, commande, règne ! De l'univers sois Roi ! » Il n'avait lui, du visage de Dieu, que ce visage de crucifié ; dans la sueur et les larmes, alors qu'ils étouffaient tous deux à bout de souffle et de sang. Reconnaître alors dans cet autre, le visage du « Tout-Autre », n'était sans doute pas si simple ! Peut-être tout compte fait, que c'était pour lui, beaucoup plus simple que pour nous. Nous risquons en effet, de nous éloigner de l'évangile, engoncés que nous sommes trop souvent, dans nos catéchismes et nos théologies !

Et c'est peut-être en méditant sur cette scène du Calvaire et sur ce malfaiteur, que l'Apôtre Paul a pu écrire dans sa Lettre aux chrétiens d'Éphèse :
« Alors que nous étions morts à cause de nos fautes, DIEU nous a rendu la vie en même temps qu'au Christ et nous a fait prendre place avec Lui, dans le ciel. C'est par grâce que vous êtes sauvés, moyennant la foi : vos mérites n'y sont pour rien. C'est un cadeau de Dieu ! » (ch. II, 5, 6 & 8).

Telles sont, quant à moi Jean Buet, ma foi et mon espérance !

 

Dans la vie intérieurement difficile qui fut la mienne, l'évangile que vous venez d'entendre a été pour moi, une « bonne nouvelle » qui m'a fait VIVRE !

Cet évangile nous invite à regarder un homme : celui que nos vieux livres d'histoire religieuse appelaient modestement « le bon larron » ! On dirait plutôt de nos jours, une sorte de truand ou de bandit !

Aujourd'hui, c'est celui-là qui nous est proposé en modèle, pas un modèle de vie, ni un prix de vertu ! Condamné à mort, il n'a que ce qu'il mérite : c'est lui-même qui le dit, et il n'a pas fait appel. Il n'est pas dit non plus qu'il eût la contrition, ni qu'il regrettât ses actes ! Il dit seulement qu'il a son compte et que ce compte est bon ! Et s'il avait pu descendre de la croix, il n'aurait peut-être pas pour autant, retrouvé une moralité.

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« Ce texte d'homélie que Jean nous a chargé de vous lire, c'est le texte qu'il avait fait à l'église St Etienne de Bellevue, le 23 novembre 1980 et qu'il nous a demandé de redire aujourd'hui comme une sorte de testament spirituel. »