Et lorsqu’on vieillit 


« Comment on continue à être prêtre lorsque l’âge ne permet plus de faire comme avant ? »

J’y pense un peu plus désormais, à plus de 76 ans. J’ai eu l’occasion de lire et de partager – avec des collègues prêtres, comme avec des membres du MCR, une réflexion que le père Rondet SJ, a faite à plusieurs reprises dans des termes assez semblables. Voici ce que j’ai été amené à dire récemment à des membres du MCR :
Pour la plupart d’entre nous, le temps de la retraite est déjà  largement entamé. Alors il nous faut vivre une spiritualité, une vie spirituelle adaptée au temps du vieillissement qui désormais est appelé à se prolonger plus que par le passé. Et je citais le père Rondet :
« Il y a quelques années, j’ai été rendu attentif par une personne que j’allais voir sur un lit d’hôpital et qui se mourait d’un cancer, assez jeune encore, et qui m’a dit : Dans l’Eglise on m’a enseigné à trouver Dieu dans la vie, dans l’action , dans le service des autres, mais on ne m’a jamais dit ou appris que j’aurais aussi à le trouver dans le dépouillement, la diminution, le lâcher prise, et je me trouve un peu dépourvue, sur mon lit d’hôpital, maintenant que je dois renoncer à beaucoup de choses. »

Il faut « apprendre à communier en diminuant », dit le père Rondet, en reprenant une expression du père Teilhard de Chardin, ce qui rejoint les mots de Jean-Baptiste : « Il faut qu’il croisse et que je diminue ».
Le temps du dernier âge de la vie, dit-il,
- c’est le temps des fidélités profondes, où on retrouve l’essentiel : vivre sous le regard de Dieu et s’appuyer sur de vraies amitiés ;
- c’est le temps de la foi : non pas parce qu’on va prier mieux : en vieillissant, on a plus de mal à se concentrer ; mais en acceptant une prière plus simple, plus silencieuse, une prière de pauvre, une prière qui ‘rabâche’ ;
- c’est le temps de la vraie pauvreté, où l’on est dépouillé de nos capacités (autonomie, mobilité, capacités intellectuelles), dépouillés aussi de nos rôles (en étant amenés à lâcher des responsabilités et à se faire discrets) : un temps à accueillir comme une grâce, car à travers ce lâcher-prise, l’Esprit Saint nous sanctifie et nous permet de passer de la  sainteté désirée à la pauvreté offerte ;
- c’est le temps de la fécondité spirituelle ;
- c’est le temps de la tendresse envers soi-même. On nous a appris le service des autres. Il faut aussi s’occuper de soi, ne serait-ce que pour ne pas trop peser sur les autres. Bernanos, dans le Journal d’un curé de campagne, a écrit : « La grâce des grâces serait de  s’aimer humblement, comme n’importe lequel des membres souffrants de J.C. » ;

- c’est le temps de vivre l’attitude évangélique du veilleur, dans l’attente de la rencontre qui est notre espérance. Notre assurance, ce sont les mots de Jésus : « Je veux que là où je suis vous soyez vous aussi. » Témoigner qu’on peut vivre cet automne de la vie dans l’espérance du printemps de la résurrection.

Cette réflexion ne me déplaît pas, même si aujourd’hui j’ai encore quelques forces pour servir.
Mais j’ai davantage pris conscience  que la prière fait partie de la charge pastorale qui m’a été confiée ; que prendre un peu plus de temps pour la prière, c’est encore une façon d’assurer ma mission de prêtre, en présentant à Dieu la prière de la communauté et particulièrement ceux qui se sont recommandés à ma prière… et en lui confiant ceux que je rencontre pour préparer ou célébrer un sacrement, ou telle démarche qui peut être difficile, ou incertaine.
Il faut savoir que désormais les prêtres âgés qui se retirent au Bon Pasteur reçoivent eux aussi une lettre de nomination, qui les rattache au presbyterium, avec mission de prier pour l’Eglise et pour le monde. Et même si le reste ne peut plus être accompli, cette « vivante offrande de soi-même à la louange » du Père ne peut pas nous être ôtée.

 


 

 

 

 

 

                                                                                          

 

 

  

SOIRÉE "BALLUCHON DU PÈRE CLAUDE ROIRAND"
CE QUI DEMEURE À TRAVERS TOUT CELA : ET LORSQU'ON VIEILLIT ?